Pour commencer, ce sont les quatre premières journées qui retiendront notre attention, c’est-à-dire du départ jusqu’à la fin de la journée où la balise n°6, Säntis, a été validée par les premiers. Nous ferons un autre point d’étape après le passage du Mont Blanc, et un dernier pour l’apothéose de cette aventure, l’arrivée à Zell am See. D’emblée, précisons que les chiffres présentés ici peuvent légèrement différer, notamment pour la marche, de ceux présentés par le RedBull X-Alps. En effet, nous nous basons sur des données qui ne sont pas forcément les plus précises. Il n’en reste pas moins qu’elles sont particulièrement parlantes, comme vous allez le voir. Intéressons-nous tout d’abord à la partie "marche", à partir du tableau ci-dessous.
On Remarque déjà des niveaux impressionnants sur les dénivelés positifs accomplis sur ces quatre premiers jours, avec Benoit Outters et Chrigel Maurer au-delà des 16000 mètres ! Pour donner un ordre de grandeur, l’UTMB (Ultra Trail du Mont Blanc), une des courses les plus réputées dans le monde du trail, c’est 10000 mètres de dénivelé positif environ, et sans sac sur le dos ! Côté vitesse moyenne, Maxime Pinot et Markus Anders, qu’on retrouve aussi sur le temps au kilomètre (qui tient compte des pauses) en compagnie de Benoit Outters, dominent le sujet. Et évidemment, c’est la performance de Yaël Margelisch qui saute aux yeux, exceptionnelle physiquement, surtout pour une première participation !
Concernant la gestion de l’effort, jetons un œil à deux paramètres. Tout d’abord, la régularité dans les allures : mesurée par la variabilité de la vitesse moyenne hors pause, elle dépend largement du terrain et des itinéraires choisis, mais c’est un indicateur sur lequel on aura l’occasion de revenir lors du prochain point. Plus significatif, considérons ensuite le tableau ci-contre des pauses, bien méritées, qui ont jalonné le parcours de nos athlètes.
On constate un nombre de pauses assez similaire, mais un temps total qui peut varier du simple au double, à l’intérieur même du top 10. Qu’ils soient pressés, ou capables de récupérer très rapidement, on peut en tous cas se poser la question de cet effort à plus long terme. Ce paramètre aura-t-il des conséquences significatives pour la suite de la course ? En tous cas, on distingue déjà l’avantage des pilotes aux avant-postes : le vol, qui, comme à chaque édition, constitue la pierre angulaire de la victoire…
Lorsqu’on examine le temps passé lors des quatre phases de vol détectées par XC Analytics (Recherche, Ascendance, Cheminement, Transition), plusieurs résultats attirent l’attention, comme le révèle le tableau ci-dessous. Aaron Durogati et Damien Lacaze ne perdent que peu de temps à la recherche des ascendances, ce qui est toujours signe d’efficacité. Mais les grands gagnants sont ceux qui passent le moins de temps en Ascendance (Pinot, Genovese, Maurer), à la faveur des phases de Cheminement et de Transition, profitant ainsi au mieux de la masse d’air et faisant preuve de talent libériste.
Même si le fait de se retrouver dans une zone météo favorable joue indéniablement, ce sont ceux qui ont effectué un excellent début de course (Genovese) ou une remontée spectaculaire (Pinot, Gierlach) qui transparaissent directement dans ces statistiques. Mais malgré l’importance de ces quatre piliers du vol, ils ne sont pas suffisants. La vitesse et l’altitude comptent aussi pour une large part dans la performance.
On retrouve sur ces deux éléments nos deux leaders, l’aigle Maurer et Patrick von Känel. Leurs vitesses respectives sont très élevées, et, alliées à une répartition des phases de grande qualité, ils parviennent à conserver la tête de la course. D’ailleurs, Durogati, Pinot et Lacaze sont les seuls à tenir la vitesse moyenne de vol imposée par les deux Suisses.
Ce n’est donc pas un hasard si on les retrouve eux aussi dans le top 10 des coureurs. Fait intéressant, le facteur altitude : Maurer et Känel volent plus haut que le reste du groupe, et ce dernier tend à avoir plus de marges par rapport aux reliefs. Un point qui peut paraitre anodin, mais dans cette course aux risques nombreux, disposer de cette soupape de sécurité joue toujours un rôle dans la probabilité de matérialiser un incident. Mais pour gagner de l’altitude, il faut trouver des thermiques, et plus particulièrement, ceux offrant les meilleurs varios…
Et à ce jeu, personne ne tire son épingle, les écarts sont faibles. Cela dit, en mettant en relation une nouvelle fois ces données avec celles présentées précédemment, le tableau devient de moins en moins flou. Pour être devant, il convient de n’avoir aucun paramètre « faible ».
Constat qui peut paraitre trivial, et pourtant : des pilotes comme Durogati ou Outters ont chacun des points forts affirmés, en tête de classement, mais aussi des points faibles. A l’inverse, Maurer et Känel n’affichent aucun point faible, toutes leurs statistiques sont systématiquement dans le tiers supérieur du top 10.
C’est peut-être cette constance et cette régularité au plus haut niveau, tant dans les phases de marche que dans les phases de vol, qui fait que les deux Suisses sont approchés, mais pas dépassés. Du moins, pour le moment… Rendez-vous dans quelques jours pour la prochaine édition de ce point d’étape, une fois que les athlètes auront tourné le mythique Mont Blanc !