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Un changement de point de vue pour examiner les traces de plaine - 4ème partie



Origine des thermiques

Il est communément admis que les thermiques partent du sol. Ce n’est pas toujours vrai, en particulier s’il y a condensation. L’ascendance peut alors partir directement d’une couche inférieure chaude et humide sur laquelle arrive une couche plus froide. Mais par temps sec, en tous cas, c’est l’expérience de tous les parapentistes de plaine.
Les thermiques se forment dès que le sol est réchauffé par le soleil. Celui-ci réchauffe alors une petite couche d’air, mais celle-ci n’est pas stable. En effet, l’air chaud étant moins dense, une bosse d’air chaud pèse moins lourd sur le sol que l’air froid environnant. Cet air froid environnant a donc tendance à expulser l’air chaud vers la bosse la plus proche dès que celle-ci commence à se former. A fortiori si la bosse a déjà pris la forme d’une ascendance, car alors, le contraste de pression est encore bien plus élevé.


masseair


En montant, l’air se refroidit, mais il arrive un moment où il se refroidit plus vite que l’air environnant : c’est l’inversion. La montée ralentit puis s’arrête. Par mélange, les colonnes thermiques réchauffent les couches d’air qu’elles traversent. Le brassage crée une couche dont la température potentielle est uniforme : C’est la Couche Limite Atmosphérique. Attention, la température potentielle n’est pas la température de l’air ambiant, c’est la température que prendrait une particule d’air environnante ramenée à la pression de référence de 1000 hpa. Comme en altitude la pression environnante est inférieure à 1000 hpa, il faut comprimer la particule pour l’amener à 1000 hpa et la compression dégage de la chaleur. En altitude, la température potentielle est donc toujours plus élevée que la température environnante. Elle est très utilisée pour interpréter les sondages car son gradient conditionne la stabilité de l’atmosphère.

En montagne, les colonnes thermiques ont tendance à se former sur les arêtes ou les sommets, ou le long des falaises exposées au soleil. Qu’en est-il en plaine où le relief est très atténué ? On a vu, avec la verticalisation des traces que les thermiques se déplacent. Peut-on imaginer que l’air chaud qui les alimente parte toujours de certains endroits privilégiés ?

L’analyse des traces repose sur l’idée que les pilotes qui enroulent dans un thermique conservent pendant plusieurs tours la même configuration de vol. En effet, on constate très souvent que le cercle de chaque tour se superpose presqu’exactement au cercle du tour précédent. Chaque pilote utilise en général deux ou trois diamètres d’enroulement selon les circonstances. On appelle giratoires les segments de la trace où les cercles se superposent presqu’exactement. Le découpage de la trace selon ces giratoires permet ainsi d’isoler des particules d’air homogènes dont on peut calculer les vitesses de déplacement dans les trois directions. On a vu comment calculer les vitesses horizontales nord et est. Pour la vitesse verticale, on calcule le vario moyen à l’aide de l’altitude GPS. Pour avoir la vitesse ascensionnelle de l’air, il faut ajouter au vario le taux de chute de la voile en virage. Connaissant la position géographique du pilote et l’altitude du sol, on peut calculer le point de départ de la particule d’air comme indiqué sur la figure suivante :


projectionthermique


Après sa transition, le pilote enroule. Il se déplace verticalement dans la CLA, mais comme celle-ci se déplace avec le vent, le pilote monte obliquement par rapport au sol (ligne orange). L’air chaud monte plus vite que le pilote (ligne jaune). La différence entre les deux lignes correspond au taux de chute de la voile. La ligne jaune recoupe le sol au point de départ de l’air chaud. L’image suivante montre le résultat sur un thermique de la journée du 9 mai 2017 au dessus du bassin parisien.


emplacements


Dans ce thermique, le pilote a enroulé six giratoires. Les points rouges correspondent aux points de départ sur le sol des six giratoires du thermique. Compte-tenu des imprécisions du calcul (estimation du vent, estimation du vario, estimation du taux de chute de la voile), ces points rouges marquent plutôt le centre d’une zone d’où est parti l’air chaud venu alimenter le giratoire. Les points verts correspondent à la position qu’occupait le pilote pendant ces giratoires. Quand l’air chaud rejoint le pilote, il a quitté le sol depuis un bon moment et il a dérivé considérablement avec le vent météo. On voit que les départs se décalent sur le flanc sud-sud-est d’un plateau dont la cassure est boisée. La trace s’étend sur plus d’un kilomètre. Les marques vertes sont nettement décalées vers le sud-ouest. Pour autant, l’air chaud n’est pas monté en oblique. Il est monté verticalement sous le pilote comme le montre la verticalisation de la trace. C’est l’ensemble pilote-air chaud qui dérive sous l’effet du vent. Si les différents points verts sont décalés vers le sud-ouest les uns par rapport aux autres, c’est que le pilote s’est déplacé sous le nuage, de noyau en noyau sans jamais cesser d’être dans une zone ascendante.

Pour ce thermique, on voit que le premier giratoire part d’une crête boisée orientée sud-est, le deuxième part d’une crête est-sud-est cultivée, le troisième et le quatrième d’une pente sud-sud-est cultivée, le cinquième d’une crête est-sud-est cultivée et le sixième du pied de la pente orienté sud-est et également cultivée. Pour certains thermiques la bande de départ probable de l’air chaud peut s’étaler ainsi sur plusieurs kilomètres comme le fameux thermique d’Azerables du vol record de Martin Morlet du 1er mai 2016.


Vols du 9 mai 2017

Pour avoir une idée statistique du point de départ des thermiques, on a choisi la journée du 9 mai 2017 où sept pilotes de haut niveau ont survolé le bassin parisien depuis le décollage de Chamery près de Reims. La durée de vol cumulée analysée est de 21 heures et la distance parcourue de 550 kilomètres. Le vent était nord-est à 15 km/h. Au moins jusque vers Montereau, les pilotes ont tous volé vers le sud-ouest. Au départ, ils survolent la montagne de Reims, très boisée, mais au-delà, on se trouve dans un paysage assez homogène de terres et de bois, de plateaux et de vallées, petites et grandes. Les cours d’eau sont à cent mètres d’altitude environ au dessous des plateaux. De part et d’autre les pentes sont modérées. Les plus fortes sont boisées, les autres sont cultivées. C’est dans cette région que l’on a découpé un rectangle qui s’étend de 3,1 à 4 degrés de longitude est et de 48,235 à 49,1 de latitude nord soit environ de 86 km du nord au sud et de 66 km d’est en ouest, pour y examiner systématiquement le point de départ des thermiques.


thermiquestrace


La méthode consiste, dans un premier temps, à faire une description statistique du paysage. On retient pour cette description les éléments susceptibles d’affecter la formation des ascendances thermiques : Le relief, l’orientation du relief, la nature du sol. En montagne, le relief et l’orientation des pentes ont une influence majeure sur la présence des thermiques. En plaine, où le relief est très atténué, il pourrait aussi garder une certaine importance. Cependant tous les pilotes s’accordent à dire que le critère essentiel est la végétation. Sur la zone considérée, on applique une grille de points toutes les 2 minutes en longitude (environ 2500 m) et toutes les minutes et demie en latitude (environ 2800 m). Pour chaque point, on examine, sur la carte géoportail de l’Institut Géographique National, le relief, la végétation et l’orientation du sol. Enfin, dans cette grille de points, on sélectionne ceux qui sont sous la zone survolée par les pilotes, soit une large bande de terrain qui va en diagonale d’Epernay à Montereau. Cette zone contient 308 points sur les 908 points sondés.

Relief

La répartition statistique des reliefs est donnée par la figure suivante:


reliefs


Sans surprise, le relief le plus fréquent sur la Brie est le « plateau ». Avec les « dômes », les « crêtes » et les « ruisseaux » qui se présentent également sur les plateaux, on atteint presque 60% des points examinés. Les pentes ont été analysées en quatre items : « rebord », « pente », « faible pente » et « pied de pente ». Les pentes représentent 26% des points analysés avec seulement 7% de pentes dont l’inclinaison dépasse 25% que l’on trouve surtout dans le nord de la zone analysée. Les « plaines » se rencontrent autour des rivières principales : la Seine, l’Yonne, la Marne. Elles sont en général humides et souvent creusées de vastes carrières transformées en « étangs ». Il arrive que certains plateaux descendent doucement jusqu’à la rivière. Dans ce cas et pour cette zone du bassin parisien, c’est l’altitude de 100 m qui marque la limite entre l’appellation « «plateau » et l’appellation « plaine ». L’appellation « vallée » caractérise les cours d’eau de moindre importance ainsi que le cours supérieur de la Marne.

Les pieds de giratoire, qui représentent 518 points, ont été analysés selon les mêmes critères et la figure suivante compare les reliefs ayant donné lieu à ascendance avec les reliefs du paysage.


repartitionreliefs


La distribution des pieds de giratoires est pratiquement identique à la précédente. On voit cependant que le pourcentage de départs sur les plateaux, les dômes et les faibles pentes est un peu plus élevée que leur occurrence dans le paysage, mais l’écart est faible et peu significatif. La conclusion est que le point de départ des thermiques est très peu affecté par le relief.

Végétation


vegetation


Les cultures représentent 35 % des paysages survolés et les bois 15 % supplémentaires. Ces bois sont très morcelés. Les haies sont peu nombreuses, mais, sur les plateaux, les ruisseaux sont souvent bordés d’arbres. De ce fait, avec la bande de terrain de 100 m de part et d’autre, l’item « lisières » rassemble 21 % des points. De même, l’item « routes » arrive à près de 16 %. Aucun point du sondage n’est tombé sur une ville, mais l’item « maisons » représente tout de même 5 % du paysage et les items « étang » et « vignes » chacun 3 %. Les lignes à haute tension restent rares malgré la bande de 100 m de part et d’autre.

La répartition des pieds de giratoire en fonction de la végétation est donnée par la figure suivante avec en bleu les paysages comme à la figure précédente et en orange les pieds de thermiques :


vegetationcompare


Comme pour les reliefs, il n’y a pas un type de végétation vraiment privilégié. Cependant, on peut remarquer que les bois et les maisons paraissent favorables aux départs de thermiques. Les routes ne semblent pas les accrocher alors que les lignes à haute tension sont décevantes.

Orientations

On peut, sur certaines catégories de relief, définir une orientation. C’est le cas des pentes avec en haut, leur rebord, en bas, un raccord plus ou moins net avec la plaine. On peut aussi orienter les ruisseaux, les ravins et certaines crêtes. Sur les 308 points de paysage, 90 sont orientables soient 29 %. L’orientation a été relevée selon les 16 directions principales de la rose des vents. Mais une pente ou un rebord est rarement rectiligne et l’évaluation globale de la pente retombe plus souvent sur l’une des huit directions principales. Compte-tenu du faible nombre de points pour certaines directions, les résultats ont été lissés selon les 8 directions principales. La figure suivante présente ces orientations. On note d’abord qu’il y a peu d’orientations ouest. Ceci est dû sans doute à la structure générale de la zone qui tend à s’abaisser lentement vers l’ouest sans marquer toujours de ruptures de pente. Il y a, en revanche, un surcroît d’orientations sud et sud-est.


orientations


De même, sur les 568 pieds de giratoire, 121 sont orientables soit 23 % seulement. Cette valeur, inférieure aux 29 % des points de référence orientables, pourrait indiquer que les surfaces horizontales ou proches de l’horizontale sont plus favorables au départ de l’air chaud.


orientationscomparees


On a un certain étirement des fréquences vers le nord et vers le sud, avec moins de fréquences vers l’est et vers l’ouest, mais l’ensemble est presque centré sur l’origine ce qui semble indiquer que l’origine des thermiques est peu sensible à la pente.


Conclusion

La journée du 9 mai 2017 apporte des informations intéressantes sur la distribution des ascendances thermiques au dessus d’un territoire de plaine. La première est que les thermiques sont largement répartis au hasard. Cependant, on peut noter une fréquence un peu plus importante au dessus des plateaux au détriment des vallées. Pour autant, il y a parfois des pieds d’ascendance au beau milieu d’une large vallée, parfois même sur les gravières de la Seine. On peut noter aussi, et c’est plus surprenant, une fréquence plus importante aux dessus des bois (en général du chêne ou du hêtre). Le nombre des points examinés et l’écart assez significatif permettent d’écarter un biais statistique sur ce résultat. Enfin, si, en moyenne, il y a un peu plus de pieds de thermiques sur les endroits plats que sur les pentes, on constate, pour ces dernières, une légère prédominance des pentes nord et sud.


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