Le billet d'Alain
La verticalisation d’un segment de giratoire permet de mesurer, en un point de la trace, la vitesse de déplacement de l’air : la vitesse et la direction du vent. Lorsque l’on examine un thermique dans lequel le pilote a passé un certain temps, on constate en général qu’il a exploité plusieurs noyaux. Ces différents noyaux ne sont pas verticalisables avec le même vent météo, ce qui montre que le thermique est cisaillé plus ou moins brutalement par de la turbulence horizontale. Ainsi, par exemple, le sixième thermique d’Olivier Angenard le 12 avril 2019 au départ de Chamery. Ce 12 Avril est le jour où Fred Delbos a fait un vol record de 420 kilomètres. Mais les conditions de la matinée sont difficiles avec un plafond limité. Cependant, plusieurs pilotes dépassent les 200 kilomètres. L’image ci-dessous correspond à un vent moyen qui verticalise bien le segment principal. Ce vent est de 27,5 km/h et il vient du 9°, donc très proche du nord. Mais on voit nettement qu’il y a sans doute quatre segments potentiellement verticalisables.
Le premier d’entre eux comporte deux boucles et se verticalise très bien avec un vent de 30,5 km/h du 6°, comme on le voit sur l’image suivante. On ne manquera pas de noter l’importante déformation qui en résulte pour la vue en plan du thermique.
Le deuxième segment comporte trois boucles qui ne sont pas parfaitement alignées. Il n’est guère verticalisable. Le troisième, en revanche est très régulier et donne un vent de 29,3 km/h et 8,5°. Le quatrième, de quatre boucles donne sensiblement le même vent.
Enfin, le dernier de cinq boucles donne 27,7 et 17,4°. Sur ces différentes vues, on peut voir les efforts du pilote pour trouver la meilleure zone ascendante du thermique.
Les images sont assez différentes les unes des autres, mais on peut noter que l’extension maximale de la zone ascendante est toujours de l’ordre de 800 mètres qui doit être peu ou prou le diamètre du thermique. Les écarts de vitesse mesurés par les différents giratoires ne sont pas aussi importants qu’il pourrait sembler:
- 30,5 km/h et 6°
- 29,3 km/h et 8,5°
- 27,7 km/h et 17,4°
A dessein, le thermique choisi est un thermique moyen, comparable à des centaines d’autres déjà analysés. On en trouve d’exceptionnels comme le thermique d’Azerables, exploité par Martin Morlet lors de son vol record du 1er mai 2016. C’est un thermique du soir puisqu’il y entre à 18 h 48 (heure légale) et à 320 m/sol. Il est alors au dessus de la ferme Beaumont qui se situe sur un coteau faiblement incliné vers le nord. On se trouve 20 kilomètres après la Creuse. Cette importante rivière marque un profond changement dans la configuration du paysage. Après les plaines de l’Indre qui se terminent par les marais de la Brenne, on entre dans une zone faiblement vallonnée striée de petits cours d’eau. Elle monte continuellement vers le sud-est. Martin va suivre le thermique sur 27 kilomètres pendant sa dérive. Il en sort au dessus de La Souterraine à 1700 m d’altitude. Le sol s’est peu à peu élevé de 220 m à 400 m d’altitude, engendrant, avec ce vent du nord-nord-ouest, un soulèvement général de la masse d’air. Corrigée par un vent très soutenu de 35 km/h venant du 343°, la trace est remarquable de verticalité :
L’image comporte aussi la trace du thermique suivant entre 1700 m et 2000 m d’altitude. S’agit-il d’un autre thermique ou du même brossé par un vent différent, il est difficile de le dire. En tous cas, sur la majeure partie de l’ascension, la trace reste dans un carré de 200 m de côté pendant une dérive qui a duré 42 minutes et permis de parcourir 27 kilomètres. Ceci implique aussi une stabilité du vent tout à fait exceptionnelle. L’analyse des traces ne permet toutefois pas de se faire une idée de la durée de vie des thermiques. Ces colonnes poursuivent-elles leur chemin tant que le soleil chauffe le sol, se renforçant si le sol est isolant et sec, s’atténuant s’il est humide et conducteur? Pour en savoir plus sur la vie des thermiques, il faudrait lancer une Coupe Fédérale de Durée dans le Même Thermique.
Concernant l'ovalisation
Parfois, souvent lors de l’extraction, le pilote ovalise. Il reste plus longtemps face au vent et tourne serré dos au vent pour prendre de l’altitude en restant au dessus du décollage. Dans ce cas, la verticalisation donne un résultat erroné. Il est assez facile de détecter une ovalisation. Après verticalisation, les points de la trace face au vent sont plus serrés que dos au vent. Normalement, le pilote tourne à vitesse constante, ce qui veut dire qu’après correction du vent, tous les points de la trace sont à même distance. Donc, il suffit de calculer l'écart type de la distance entre deux points successifs de la trace sur tout le segment étudié et rechercher le vent qui minore cet écart type. On peut d’ailleurs appliquer cette méthode à n’importe quel segment de boucles. On a fait la comparaison entre la verticalisation "à vue" et la verticalisation par l’écart type sur plusieurs traces complètes. Même si aucun des segments n’est parfaitement verticalisé par la méthode de l’écart type, la différence sur les vents moyens obtenus par l’une ou l’autre méthode n’excède pas 2 km/h. Évidemment, cette deuxième méthode n’est pas applicable si le pilote ne maintient pas une vitesse constante. Il arrive, en effet, que le pilote augmente sa vitesse lorsqu’il est face au vent et la diminue vent de dos.